Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ACTA SENATUS

ACTA SENATUS. I. On peut définir les acta sen atus , des procès-verbaux officiels des actes accomplis au sein du sénat romain, ce qui comprend non-seulement les sénatusconsultes, mais les propositions ou rapports, plus tard les discours des empereurs [oRAT;O PInNCIPIS], les lettres échangées soit avec les magistrats de Rome ou des villes municipales, soit avec les princes ou chefs des nations étrangères Ces procès-verbaux ont-ils existé avant l'époque de Jules César? La question est controversée. MM. A. Schmidt' et Hiibner° nous semblent avoir démontré la négative. Nous ferons seulement quelques réserves. 11 est sans doute incontestable que, dès l'époque où l'écriture a été pratiquée à Rome, les sénatus-consultes ont dû être recueillis et constatés par écrit ; le président du sénat était assisté de certains membres formant à la fois une sorte de comité de rédaction et un groupe de témoins (qui scribendo aderant °), ordinairement au nombre de deux ou de trois, se présentant spontanément parmi les fauteurs de l'acte; mais il n'existait point alors de procès-verbal officiellement dressé en minute pendant les débats ; tout en général était confié à la mémoire des assistants, et la rédaction du sénatus-consulte n'avait lieu qu'après la séance, comme cela résulte textuellement d'un passage de Cicéron s. Les sénateurs pouvaient sans doute soulager leur mémoire à l'aide des notes tachygraphiques ou tironiennes déjà en usage, ou du moins en faire prendre par le scribe public [SCRIBA], chargé de lire au sénat les sénatus-consultes, ou d'en dresser l'instrument 9 ; mais ce n'est que plus tard qu'on voit apparaître, d'une manière régulière, les NOTARIT, chargés de recueillir les paroles inter loquendum 7, sous la surveillance d'un sénateur. Il faut donc s'en tenir au témoignage formel de Suétone, d'après lequel Jules César, à son premier consulat, établit pour la première fois l'institution, la rédaction et la publication d'acta diurne tain populi quant senatus se 11 est vrai qu'on ne peut contester l'usage où on était antérieurement d'écrire les sénatusconsultes, et de les réunir en volumes annuels, avec les actes des autres magistrats, sous la surveillance des questeurs, chargés de faire placer ce dépôt dans l'ACRAmmM °. Mais cet usage ne saurait se confondre avec l'organisation d'un registre permanent servant de minute, d'où étaient tirés les extraits destinés à la publication. César inaugura donc, sans doute afin d'enlever au sénat une partie de son prestige, une publicité officielle, bien différente de la publicité officieuse que les discours tenus ou les témoignages reçus au sein du sénat, et les sénatus-consultes pouvaient recevoir par les soins de leurs auteurs, des affranchis ou des amis de ceux-ci, ou même des LIBRARII, qui les mettaient en vente 10. Du reste, Cicéron avait déjà fait publier les preuves (indicia) établies par l'enquête sur la conjuration de Catilina, et recueillies par des sénateurs amis du consul ", habiles dans l'art de la tachygraphie, ou doués d'une bonne mémoire. Auguste, d'après le témoignage de Suétone", abrogea l'usage de publier les acta senatus. Néanmoins leur usage se conserva et se régularisa de plus en plus, comme le prouvent les témoignages recueillis par M. Hiibner 1°. Il est à présumer que les empereurs ordonnaient la publication de certains acta senatus, quand ils la jugeaient profitable à leurs intérêts ". II. La forme dans laquelle étaient rédigés les actes du sénat ne nous est guère connue que par les fragments de sénatus-consultes consignés dans ces actes et qui sont parvenus jusqu'à nous, grâce aux historiens, aux jurisconsultes, ou aux inscriptions. Peut-être serait-il permis de compléter les renseignements que nous offrent ces précieux débris, au moyen des monuments un peu plus nombreux que nous ont transmis les décrets des curies des villes municipales ; car ces cités offraient une image assez exacte de la vie publique à Rome. ACT 52 ACT Nous ne donnerons pas ici la liste exacte des sénatusconsultes dont la teneur nous a été conservée en partie [SENATUS CONSULTDM] ; on recourra à celle qui a été dressée par M. Hübner 13. Mais on peut, de l'ensemble de ces monuments, tirer une énumération assez complète des formalités extrinsèques, ou indications solennelles que renfermaient les acta en ce qui concerne spécialement les sénatus-consultes. 1° Ordinairement, les noms des consuls figurent en tête des sénatus-consultes, pour constater exactement leur date; 2° en général la mention du jour et du mois s'y trouve jointe; -3° dans les anciens sénatus-consultes, comme celui De bacchanalib-us, on lit aussi la mention du lieu où le sénat s'est assemblé, mention devenue par la suite moins fréquente, comme inutile, lorsque le sénat se réunit en des lieux déterminés, à des époques fixes; -4° vient ensuite l'intitulé du sénatusconsulte (inscriptio) en ces termes : Senatus consultant, rarement Senatus auctoritas; car cette expression a un sens spécial et technique [SENATUS CONSULTUM] ; -5° on indique les magistrats qui consuluerunt, c'est-à-dire qui ont réuni le sénat ou la curie municipale, et ceux qui verba fecerunt, ou retalerunt; ces mots se trouvent cumulativement ou isolément dans les textes. Becker I6 et M. Hübner 17, d'après un examen complet des divers monuments, distinguent très-bien le sens de ces mots comme se référant à des objets différents. 6° Les noms des témoins (qui scribendo adfuerunt) se trouvent ordinairement dans les sénatus-consultes et dans les décrets des municipes, entre les désignations de celui qui consuluit et de celui qui verba fecit; ces témoins sont au nombre de deux ou de trois ; il y en eut jusqu'à douze'".-7° Suit la formule ordinaire (decretum) qui annonce la décision ou le décret du sénat : quid de ea re fieri placeret, ita censuerunt.-8° Puis vient le dispositif du sénatus-consulte ou du décret de la curie, senatui placere, ou placere huic ordini, ou placet cuncto ordini, ou enfin senatum existimare... item placere19, etc ; 9° quelquefois le sénatus-consulte indique les mesures à prendre pour lui donner la publicité, soit au moyen de tableaux et placards (tabulae vel charrue) ou de tables d'airain gravées (in acre incidantur•), ou même d'une inscription sur le piédestal d'une statue ;-10° certains monuments de décrets municipaux donnent quelques renseignements sur l'ordre suivant lequel les suffrages ont été donnés ou sur leur nature 20; 11° enfin, à la suite des sénatus-consultes se trouvait la subscriptio du mot censueruni, semblable à celle qu'ajoutaient, d'après Valère Maxime u, les tribuns du peuple pour faire connaître qu'ils ne mettaient pas opposition au décret 22; -1'2° le nombre de sénateurs nécessaire à la validité de la délibération a varié suivant les temps et la nature des décrets 23; aussi le chiffre des assistants est-il parfois mentionné dans les monuments Y4, comme celui des adhésions [ACCLAMATIO]. On a dit précédemment que les orationes prirtcipis étaient également rapportées dans les acta senatus. On sait que ces propositions du prince, consignées dans un mémoire, étaient lues par un questeur et ordinairement suivies des acclamations du sénat. Ce discours du prince était en fait confondu avec le sénatus-consulte, et on l'inscrivait sur une table d'airain; à partir de Trajan on y joignit les formules d'acclamation n, on en trouve un curieux spécimen dans l'acte placé en tête du Code Théodosien 26, et qui porte ce titre : Gesta in senatu urbis Romae de recipiendo Theodosiano codice. Remarquons que les acta senatus paraissent avoir pris à cette époque le nom de geste. Les Scriptores historiae Augustae semblent avoir assez abondamment puisé dans le recueil des acta senatus soit pour ce qui concerne les orationes principes, ou les acclamationes, soit pour ce qu'ils rapportent des correspondances, (epistolae) échangées avec les magistrats de Rome, ou même avec les princes étrangers. Indépendamment de ces sources officielles, il exista, à partir d'Adrien, des recueils particuliers, où des jurisconsultes réunirent par rang de date les constitutions impériales 28. Tels furent les Codes Grégorien et Ilermogénien qui servirent en partie de base aux Codes Théodosien et Justinien. Quant aux acta senatus, rédigés officiellement par le sénateur appelé ab actis, et plus tard curator actorum, les registres en étaient déposés dans l'aera rium, comme on l'a vu précédemment 29. G. HUMBERT.